Atterrée...
Allongée dans
l'herbe dans cette clairière, ma tête sur cette pierre,
dure ,verdie de lichens. Mon mal de crâne perdure.
Un effort de forcenée
pour relever mon corps... mes membres semblent prêts à
se disloquer tant la terre m'accroche à elle... grossière
et pesante.
Terre, désespérante
terre... humiliante terre des vérités humaines...
"La mer est
aux pêcheurs"; disent les coeurs morts nés
des âmes bornées. Et la Terre? Aux bêtes de somme,
animaux sédentaires attachés à leurs poussières,
mineurs barbares aux instincts grégaires...
Poussières, vous
n'êtes que poussières... et je suis l'eau amère...
La gorge sèche, je
sens se cristalliser en moi les rêves qui contractent soudain
une lourdeur minérale...
Terre, atterrante
terre... faite de chair et de sang, de morts, de luttes et de
colères.
Terre de douleurs où
j'ai souffert, servile, des humeurs irrégulières de
cette mère tératogène... mes déchirements
embryonnaires...
J'ai commis des impairs
la laissant entrevoir des horreurs sur des incertitudes, des chimères
lui permettant ainsi d'errer dans ses vérités
passagères sur mon père ... si sévères
vérités passagères... qu'elle déversait
sans remord sur le coeur de mes soeurs.
Battement de cils pour
regarder ailleurs, effacer les désarrois et l'amertume... pour
reposer mes yeux qui brûlent à la lumière des
torches en feu.
Larvaire, je suffoque
encore dans cette atmosphère délétère...
Mes soeurs aperçoivent
les retardataires... Cynandrène et mon frère... cachés
derrière les arbres.
Naguère, dans les
ténèbres de mes jours, j'étais si proche de mon
frère, débonnaire dans mes instants d'écoeurement
envers cette terre et cette mère... mensongères...
Terre... qui s'inserre dans
les pores de mon corps...
Je pense aux battements
de son coeur sur sa peau aux couleurs de ses cauchemars. Sur cette
terre, je fus la première. Sans attendre rien de ses bras,
craignant d'être découverts, je lui avais abandonné
les mystères de ma nature dans une brume passagère près
des nénuphars de la rivière...
Mouvement arrière
sur cette terre, je médite sur mes désirs d'hier dans
le rétroviseur du présent sans lumière. J'étais
la première, soeur de misère, je confondais mon amour à
sa terre mercenaire.
Mon corps aguerri et mon
coeur terrorisé, rongés d'assauts intérieurs ne
feront que se taire
sur cette terre...